Mélanésiens – Place de la coutume dans la société

Table ronde citoyenne n°4

Synthèse globale des échanges

A l’heure où la Calédonie se construit et cherche à se définir, la réflexion sur la Coutume était indispensable. Tradition commune de la société mélanésienne, bousculée au cours de l’Histoire, vécue différemment selon les lieux de la Grande Terre ou des Iles, confrontée à la société moderne, sa nature profonde est difficile à saisir et à appréhender, parfois par les mélanésiens eux-mêmes, et notamment dans une langue, le Français, qui n’est pas celle dans laquelle elle se vit.

Dans les échanges que nous avons partagé sur la COUTUME plusieurs points avaient préparés et travaillés pour traiter ce thème si riche et si complexe à la fois.

    • Les menaces sur la coutume
    • La définition et la compréhension de ce qu’est réellement la coutume
    • Les évolutions de la coutume, sa place dans l’histoire
    • La coutume et les personnes, les droits « commun et particulier »
    • La mise en valeur de la coutume et sa place vis-à-vis des autres communautés.

C’est dans la commune de Kouaoua, quasiment au centre, au cœur de la Nouvelle-Calédonie, que la table ronde s’est tenue, réunissant des participants de diverses communautés, de diverses origines géographiques, sociales ou d’horizons politiques différents, telle une belle préfiguration de la société calédonienne de demain.

Les menaces qui pèsent sur la Coutume

Dans l’esprit des participants, nous avons ressentis deux sentiments sur le premier point abordé qui portait sur les menaces sur la coutume :

Le premier faisait mention d’une coutume qui pourrait se perdre avec l’évolution du mode de vie et la migration des kanaks vers les quartiers de Nouméa, lieux non empreints de pratiques coutumières. Une insistance sur des modes de vie qui ont beaucoup changé, et qui pourrait si l’on n’y porte pas attention, causer la disparition de la coutume.

D’autres avis ont été moins critiques, et ont surtout porté sur les principes de la coutume et de la pratique coutumière : la préservation de ces principes permettra aux kanaks de préserver ce que nous appelons « coutume ». Les pratiques ou les éléments utilisé changent, mais les grands principes qui guident la coutume restent, et resteront à jamais. Ces mêmes grands principes ont d’ailleurs su traverser le temps depuis le début de la colonisation, jusqu’à nos jours.

Les participants ont invoqué la réflexion autour d’outils ou de méthodes qui pourrait contribuer à non seulement maintenir la pratique coutumière (et en préserver les grands principes), mais ils ont également invoqué le fait de devoir ramener la coutume la où elle aurait eu tendance à disparaitre (dans les quartiers de Nouméa et du grand Nouméa) – et ce afin de contribuer à diminuer les faits de délinquances et de non-respect surtout visible chez les jeunes mélanésiens désœuvrés dans les quartiers – le fait de ramener le fait coutumier dans ces déserts coutumiers pourrait contribuer à aider cette jeunesse à se retrouver quelques repères perdus par le mode de vie différent de la tribu.

Il a également été mentionné dans la discussion outre les menaces externes, l’importance des menaces interne même à la coutume : la non-évolution possible de ce qu’est la coutume (pour s’adapter à l’évolution de la société) peut être une menace directe à la coutume et à ses principes.

Définition et compréhension de la Coutume

Sur la question de la définition de la coutume et de la compréhension de la coutume, plusieurs échanges profonds à la fois et très prenant ont été observé lors des débats :

  • Selon un des interlocuteurs, la coutume repose sur 4 piliers :
    • La Parole,
    • Le Lien (existant ou à créer),
    • L’Objet (étoffe, argent, igname, etc..),
    • Le Sacré (esprit).

Cette définition à d’entrée mis tout le monde d’accord. Elle englobe les tenants et les aboutissants de la coutume et elle intègre inconsciemment ou consciemment le débat précédent qui portait sur les menaces sur la coutume. La parole, le lien et le sacré étant les grands principes qui régissent la coutume et l’objet (ou les objets) qui peuvent évoluer en fonction de l’époque.

La coutume expliquée par un certain nombre de participants est un ensemble de règles et de comportements qui régissent aussi toute la vie d’une personne : de la naissance à la mort… Elles régissent même les périodes avant naissance et après la mort. La coutume ne se résume pas à une coutume de bonjour avec un manou et un 1000 milles francs.

La coutume telle qu’elle est perçue ou connue aujourd’hui (dans l’opinion publique) n’est que la partie visible de l’Iceberg « Coutume », qui renferme à elle seule un large panel de règles qui régissent la vie d’un Kanak. Tout ce qui est souvent vu et compris comme ce qu’est la « Coutume », ne représente qu’un infime partie de ce qu’est la coutume en réalité.

Le droit coutumier renferme des droits et devoirs des personnes de statuts particuliers. Il définit les relations qui unissent les personnes. La coutume c’est aussi en quelque sorte une façon d’être et d’avoir au sein de la collectivité.

Enfin, la coutume se rattache à une certaine spiritualité quand elle est pratiquée et vécue avec vérité, et c’est le cœur même de la coutume qui fait le NOUS.

Evolutions de la coutume et place dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie moderne

Dans la partie des débats qui a porté sur les évolutions de la coutume et sa place dans l’histoire, quelques points ont été avancés par les intervenants et les participants :

La coutume selon certains a traversé plusieurs époques, et si nous devions les caractériser, nous pourrions dire qu’ il y a eu la coutume pratiquée avant la prise de possession (les kanaks seuls entre eux avec leurs règles et pratiques) ; Il y a eu la coutume pratiquée après la prise de possession (avec l’arrivée des européens, les premiers impacts : notamment religieux);  Et enfin la coutume après les accords politiques (avec une considération et une place donnée à la coutume notamment dans les institutions).

La coutume a traversé ces époques et ces différentes périodes avec plus ou moins d’adaptation ou d’évolution. D’une simple considération d’un mode de vie et des règles simples (ou complexes pour les regards extérieurs) de la vie – la coutume s’est retrouvée au milieu du débat politique en étant même le cheval de bataille de la lutte indépendantistes au début des revendications.

Mais de quoi parle-t-on quand on évoque la place de la coutume ? Est-ce que l’on questionne sa place dans la vie de tous les jours ? et notamment la place et le rôle des femmes dans la coutume et les instances coutumières. Ou est-ce que l’on questionne sa place dans le débat politique, dans les institutions et dans la gouvernance de la Nouvelle-Calédonie ?

Timidement, des positionnements divergents ont été portés par les participants : pour un intervenant (grand chef à Lifou), il considère que les institutions doivent servir la coutume. A Lifou, tout doit être décidé par les chefferies, et les institutions doivent servir les coutumiers… pourquoi se demander quelle place donner à la coutume dans les institutions : c’est plutôt la question inverse qu’il faut se poser : quelle place pour les institutions dans la coutume !

Sur la place de la coutume dans les institutions (la gouvernance), les personnes présentent préfèrent laisser les accords politiques futurs décider de ce qu’il en sera de la place de la coutume et des coutumiers dans les futures discussions.

Cependant, il est quand même précisé que des instances représentent la coutume (ou le monde coutumier), mais dans la gestion de tous les jours, la coutume n’est pas présente dans les institutions (ex : dans le conseil municipal – pas de représentants coutumiers). Il est fait référence à ce qui se fait en NZ en mettant l’emphase sur les deux identités :

  • Identité civile
  • Identité culturelle voir spirituelle

Enfin, un des intervenants a questionné la vision des jeunes vis-à-vis de la coutume et de son évolution : Ne doit-on pas laisser la jeunesse faire évoluer la coutume et participer pleinement à sa transformation ? Tout en mettant aussi en garde les ayatollahs de la coutume : figer la coutume ne serait-il pas dangereux pour la coutume… ? Et est-ce aux anciens de réfléchir à ça… n’est-ce pas le rôle de la jeune génération ?

Attention pour les vieilles générations à ne pas être esclave de la coutume !

La coutume et les personnes, les droits « commun et particulier »

Sur le point suivant portant sur la coutume et les personnes de droit « commun et particulier », la présence des deux statuts semble ne pas poser de problème aux intervenants :

Dans un premier lieu un des intervenant fait état de son statut de droit commun alors même qu’il est descendant du Grand Chef Coutumier. Son grand-père étant à la guerre avait demandé à l’administration française de lui donner le statut de droit commun. Les
générations d’après non jamais changé leur statut. La famille tout en étant statut de droit commun a continué à exercer son rôle de coutumier sans problème (le Grand père, était Grand chef, le père l’est actuellement, et lui-même le sera certainement dans l’avenir tout en étant statut de droit commun.

Cette anecdote  illustre bien la façon dont l’existence des deux statuts ne pose pas de problème aux intervenants (surtout aux hommes).

Cependant, la question des femmes mélanésiennes qui subissent les plus souvent l’existence de ces deux statuts, a bien été discuté et il en ressort la nécessité absolue de créer des passerelles entre les deux statuts.

Au-delà de la question des femmes kanaks, il s’avère important que les deux statuts puissent régler des problèmes de la vie au quotidien avec l’existence de ces passerelles entre le statut de droit commun et le statut de droit particulier.

Il est donc important de concilier statut de droit coutumier et statut de droit commun, et si l’on conserve les deux statuts, des passerelles devront être imaginées entre les deux statuts.

Nota : il est important d’aborder la question de ces deux statuts sous l’angle des droits et devoirs de la personne. Si la question est abordée sous l’angle politique, il semblera difficile de converger vers un même objectif.

Mise en valeur de la coutume et sa place vis-à-vis des autres communautés

Enfin, La mise en valeur de la coutume et sa place vis-à-vis des autres communautés n’a pas été débattue complètement par manque de temps, mais quelques points sont tout de même ressortis :

Un constat flagrant : chacun vit sa coutume dans son coin. Les échanges et les interdépendances ne se font pas systématiquement (pour ne pas dire rarement ou jamais). Le kanak vit sa coutume dans sa tribu sans pour autant échanger et l’exposer aux autres communautés.

Comme un vœu, il est ressorti l’idée de trouver des éléments dans la coutume qui pourraient être partagés avec toutes les communautés du territoire (et ne pas réserver la coutume qu’au seul kanak).

Cette question reste entière, mais il est clair que le kanak possède plus d’affinités et plus d’aisance à se diriger vers les autres communautés que l’inverse : Est-ce que la coutume Kanak est prête à intégrer d’autre communautés dans son mode de fonctionnement ? La question est posée.

Pistes de réflexion proposées par les participants

Définir les valeurs que les communautés pourraient partager pour ce nouveau projet de société.

Le Respect, l'Humilité, la Solidarité -Fraternité , sans oublier les racines chrétiennes, qui est religion importante pour les Kanak.

Faire exister la coutume au sein des institutions.

Notamment pour éviter les dérives et instrumentalisation de cette dernière. Une comparaison avec la manière dont la Nouvelle-Zélande à intégré la culture Maori serait utile.

Matérialiser la volonté de ne pas voir disparaître la « coutume » et de la partager, car coutume = culture Kanak

Cela pourrait consister à Inciter les familles Kanak à transmettre la coutume / la culture, à mieux faire connaître la culture Kanak/ la coutume (le ``fait coutumier``) aux autres communautés (reconnaissance) = et inversement, dans une dynamique de réciprocité; Pour les jeunes en pertes de repères, créer une structure d’accueil en milieu coutumier, etc..

Créer de nouvelles passerelles entre droit coutumier et droit civil pour coller à l’évolution de la société

Par exemple, notamment, sur la question des divorces ou des droits de succession, une passerelle apparait nécessaire avec le droit commun pour faciliter la vie des gens.

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Thierry SANTA

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