Notre histoire, notre héritage
Le Rassemblement-LR que nous connaissons aujourd’hui, notre Rassemblement, est l’héritier officiel du RPCR qui a dominé la vie politique calédonienne de la fin des années 1970 jusqu’à l’année 2004. Il a notamment été acteur et porteur des Accords de Matignon de juin 1988 et de Nouméa de mai 1998.
Il nous a paru nécessaire, notamment pour les jeunes générations, nos jeunes militants, de transmettre la mémoire de ce grand parti politique calédonien porteur d’une histoire, toujours acteur du temps présent et qui entend le rester pour l’avenir, afin de faire en sorte que cet avenir à construire en permanence soit enrichi par la mémoire de l’histoire du Rassemblement ,qui elle-même se confond avec une partie de l’histoire de notre Nouvelle-Calédonie.
Nos nouveaux adhérents et en particulier nos jeunes, mais aussi les plus anciens y trouveront ou retrouveront la mémoire d’un passé, pour mieux comprendre notre présent et mieux préparer notre avenir. Ainsi l’édification de notre avenir se construira de notre mémoire. Un grand merci à Luc STEINMETZ, auteur de ce récit précieux.
Les différents épisodes de notre histoire:
1977: Le début du Rassemblement
La naissance du RPC
Né en avril 1977, le RPC (Rassemblement pour la Calédonie) est devenu le RPCR (RPC dans la République) en juillet 1978.
Le contexte de la naissance du RPC
Les années 1968-1969 marquent un tournant dans la vie politique calédonienne avec la naissance de la revendication indépendantiste. Parti dominant sur l’échiquier local, l’Union calédonienne (UC) mouvement autonomiste dirigé par Maurice Lenormand a été fondé en 1956 sur la volonté de maintenir « des liens indéfectibles avec la Mère-Patrie, la France ». Mais il perd sa majorité à l’Assemblée territoriale en septembre 1972 en raison de défections sur sa gauche et sur sa droite liées à des tendances indépendantistes qui apparaissent en son sein. C’est que l’année 1969 et les années 1970 marquent le début de la revendication indépendantiste avec la naissance de mouvements à la marge ou de partis dissidents de l’UC. Ainsi naissent les Foulards rouges de Nidoish Naisseline (composé essentiellement de militants des Iles Loyautés), l’Union multiraciale de Yann Céléné Uregei qui va plus tard se transformer en FULK (Front uni de libération kanak). Cette revendication indépendantiste sur sa gauche va pousser l’UC à se radicaliser avec pour conséquence de pousser des élus opposés à l’indépendance et fidèles au programme d’origine de l’UC à faire dissidence et à fonder le MLC (Mouvement libéral calédonien) autour de Jean Lèques, de Georges Nagle et de Marc Oiremoin. Le MLC rejoint ainsi le camp des deux autres partis hostiles à l’indépendance : l’EDS (Entente démocratique et sociale de Jacques Lafleur et Roger Laroque) et l’UD (Union démocratique de Georges Chatenay et Dick Ukeiwë).
Les positions indépendantistes s’affirment : en février 1975 le Groupe 1878 (issu de militants de la Grande Terre) proclame la lutte pour l’indépendance kanak. C’est en 1975 aussi qu’est signé à La Conception le Manifeste pour l’indépendance. En mai 1976 le Palika (Parti de Libération kanak, qui regroupe les Foulards rouges et le Groupe 1878) est fondé. La pression est alors très forte sur l’UC pour qu’elle opte elle-aussi pour l’indépendance en rupture avec ses engagements de sa création en 1956. Finalement en juillet 1977, à son congrès de Bourail, l’UC fait le choix de l’indépendance.
Alors que l’idée d’indépendance s’affirme, Jacques Lafleur juge que face à ce danger, un combat politique nouveau s’ouvre pour la Nouvelle-Calédonie. Il est donc important et même vital pour combattre l’idée d’indépendance et les partis qui la portent de rassembler toutes les forces qui la refusent. C’est la raison pour laquelle il crée le 17 avril 1977 le RPC, le Rassemblement pour la Calédonie.
La naissance du RPC – 17 avril 1977
La naissance et l’affirmation des idées indépendantistes ont émergé aux élections municipales de mars 1977 où, à côté de la vieille UC à ce moment là toujours officiellement autonomiste, se sont présentées des listes indépendantistes sous les étiquettes du Palika et du FULK, tandis que certaines listes UC affichaient déjà un programme indépendantiste (celle de Jean-Marie Tjibaou à Hienghène par exemple). Alors que des listes « non-autonomistes » (EDS, UD et MLC) recueillaient à ces municipales près de 53 % des suffrages, les listes indépendantistes faisaient 12 % des voix laissant les partis encore autonomistes (UC, UPM et PSK) se partager les 35 % restants.
Cette percée indépendantiste accompagnait le déclin de l’UC qui avait déjà perdu aux élections territoriales de septembre 1972 son rang de premier parti politique du Territoire.
C’est dans ce contexte que Jacques Lafleur, alors membre EDS du Conseil de gouvernement, a pris la décision de regrouper dans un grand rassemblement tous les partis politiques favorables au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
C’est le 17 avril 1977, dans ce qui était encore le stade Georges Brunelet à Nouméa qu’à l’appel de Jacques Lafleur, des milliers de Calédoniens se sont retrouvés, venant de tous les coins du Territoire, de Nouméa et des communes environnantes, de la côte ouest, de la côte est, de l’Île des Pins et des trois Loyauté. Le stade Brunelet est devenu ce jour-là un grand manteau de drapeaux tricolores au milieu des banderoles portées par une foule pluri-ethnique à l’image de la population calédonienne.
C’est à l’occasion de ce grand rassemblement qu’a été officiellement créé le RPC (Rassemblement pour la Calédonie) et rendu public le Manifeste du RPC qui s’appuyait sur le discours de Jacques Lafleur. Ce manifeste se concluait par la Charte du Rassemblement fondant les valeurs et les principes du nouveau parti qui s’articulaient autour de six points forts :
- L’anti-indépendantisme dans le cadre institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie du statut de Territoire d’outre-mer de la République et l’attachement de sa population à la Nation française, avec la volonté pour ces populations d’assurer la responsabilité de gérer leurs propres affaires.
- L’affirmation que la société calédonienne est une société pluriethnique et qu’elle doit le demeurer, ce qui implique le rejet du racisme et de toutes les entreprises de division, de manière à assurer la promotion, dans l’harmonie, de la société calédonienne.
- La notion d’attachement à la France ayant été clairement définie, la charte rappelle la double obligation de la Métropole à l’égard du Territoire : faire jouer la solidarité nationale en cas de besoin et revoir le contrôle exclusif de l’État sur l’exploitation des ressources minières calédoniennes tel qu’il résulte de deux lois Billotte de 1969.
- L’attachement à l’économie libérale pour assurer le développement du pays tout en ayant le souci de la justice sociale.
- Un train de mesures prioritaires avec une réforme électorale pour permettre de dégager une majorité réelle et stable à l’Assemblée territoriale ; une réforme foncière pour régler de manière équitable le problème des terres dans l’ordre et la légalité ; le lancement du projet d’usine du Nord ; des mesures de sauvetage de l’économie avec des investissements publics pour résorber le chômage et des investissements appuyés sur des conditions de crédit à long terme qui n’existaient pas alors en Nouvelle-Calédonie ;
- La charte se terminait par l’affirmation que seul le rassemblement des Calédoniens pouvait permettre à la Nouvelle-Calédonie de préparer sereinement son avenir dans la France.
Dans ce RPC qui venait de naître se regroupaient : l’EDS autour de Roger Laroque et de Jacques Lafleur ; une partie de l’UD gaulliste avec Dick Ukeiwë qui avec des amis avait fondé en février 1977 la fédération locale du RPR de Jacques Chirac ; les jeunes giscardiens de GSL(Génération sociale et libérale) autour de Pierre Maresca et de Pierre Frogier ; une partie de la communauté wallisienne et futunienne emmenée par Petelo Manuofiua.
Roger Laroque, maire de Nouméa, devenait le président du RPC.
Jacques Lafleur organisait un second rassemblement en août 1977 à Pouembout pour marquer l’enracinement du nouveau parti dans cette autre facette de la vie calédonienne qu’est la « Brousse ».
Aux élections portant renouvellement de l’Assemblée territoriale de septembre 1977, le nouveau RPC devint le premier parti du Territoire et put former avec d’autres partis comme le MLC de Jean Lèques, une majorité anti-indépendantiste.
Du RPC au RPCR (1977-1978)
L’année 1978 commençait avec une échéance électorale importante pour le RPC : c’est en mars qu’à l’occasion du renouvellement de l’Assemblée nationale, la Nouvelle-Calédonie devait pour la première fois élire deux députés. Depuis 1951, avec d’abord Maurice Lenormand puis Roch Pidjot, c’était l’UC qui détenait le seul poste de député. Or, la nouveauté de ces élections législatives c’était la création d’une deuxième circonscription législative pour permettre au Territoire d’avoir un député supplémentaire car sa population avait augmenté. La création de ce deuxième siège a entraîné le découpage de la Nouvelle-Calédonie en deux circonscriptions : la première englobait l’Île des Pins, la côte est et les Loyauté ainsi que les ressortissants français des Nouvelles-Hébrides tandis que la deuxième couvrait toute la côte ouest de Nouméa à Poum et Bélep.
Le RPC a présenté un candidat dans chaque circonscription : Dick Ukeiwë dans la première était opposé à trois indépendantistes dont le député sortant Roch Pidjot de l’UC tandis que dans la deuxième circonscription Jacques Lafleur se retrouvait face à deux candidats indépendantistes.
Jacques Lafleur était élu dès le premier tour avec 55,2 % des suffrages devant François Burck de l’UC.
Dans la deuxième circonscription, Rock Pidjot arrivait en tête avec 34,6 % des voix suivi par Dick Ukeiwë qui en obtenait 28 %. Il y avait donc ballotage. Au deuxième tour, c’est Rock Pidjot qui était réélu avec 59 % des voix contre 41 % à Dick Ukeiwë
Sur l’ensemble des deux circonscriptions, pour la seule Nouvelle-Calédonie (en ne prenant pas en compte les votes des Français des Nouvelles-Hébrides), les voix non-indépendantistes représentaient 60 % des suffrages exprimés, ce qui signifiait que si le Territoire n’avait conservé qu’un seul député, Rock Pidjot aurait été battu.
Après sa victoire aux élections territoriales de septembre 1977 et après celles des législatives de 1978, le RPC devenait par son député à l’Assemblée nationale le porte-parole de la majorité des Calédoniens hostiles à l’indépendance auprès des instances parisiennes.
Mais cette élection de Jacques Lafleur devait avoir pour conséquence des transformations au sein du RPC. Avant l‘élection, la question s’était posée de savoir dans quel groupe parlementaire Jacques Lafleur allait siéger au sein de l’Assemblée nationale. Avant son élection, Jacques Lafleur avait pris des contacts avec Jacques Chirac qu’il avait rencontré à Paris et qui en décembre 1976 avait pris la tête du parti gaulliste l’UDR en le transformant en RPR lequel au plan national devint le premier parti français après les législatives de mars 1978. Or, il y avait au sein du RPC des sensibilités centristes ou giscardiennes qui ne voyaient pas d’un bon œil le pas de Jacques Lafleur en direction du parti chiraquien.
Finalement le choix de Jacques Lafleur de siéger au sein du groupe RPR à l’Assemblée nationale a entamé la transformation du RPC en RPCR, consacrée par la visite de Jacques Chirac en Nouvelle-Calédonie en juillet 1978. À cette occasion, Jacques Chirac a officialisé cette transformation en « constatant, ici en Nouvelle-Calédonie, l’existence d’un RPCR, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République ». RPCR que le MLC de Jean Lèques ralliait à son tour.
Mais l’alliance du RPCR avec le RPR n’a pas fait l’unanimité et certains de ses éléments centristes et giscardiens devaient le quitter, dont le sénateur Lionel Cherrier qui devait rester fidèle au Parti républicain (le PR était alors principal parti qui soutenait Valéry Giscard d’Estaing) et pendant quelques temps encore à la cause de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Fort de ses succès électoraux, le RPCR était en position de force pour affronter la suite de l’histoire calédonienne dans les déchirements des années 1980.