Laura Vendegou : « Il est temps de retirer la Nouvelle-Calédonie de la liste des pays à décoloniser »
Madame La Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs les membres du Comité Spécial de décolonisation, Merci de m’accueillir aujourd’hui.
Je suis Laura VENDEGOU, élue à l’assemblée de la Province-Sud et conseillère au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Je fais partie du mouvement politique historique non-indépendantiste « Le Rassemblement-Les Républicains », signataire des Accords de Matignon et de l’Accord de Nouméa.
Mon nom est peut-être inconnu pour vous, mais il est reconnu chez moi, à l’Île Des Pins, commune la plus éloignée de la métropole.
Mon nom figure sur l’acte de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, signé le 29 septembre 1853.
Mon nom est aussi reconnu au Sénat de la République française, puisque mon père, Hilarion VENDEGOU, Grand Chef coutumier et Sénateur de la république, a su y conjuguer et valoriser son identité mélanésienne et française.
170 ans plus tard, je viens devant vous pour réaffirmer ma fierté, la fierté de mon père, et la fierté de celles et ceux qui m’ont précédé, d’être et de rester français.
Aucun peuple du Pacifique n’a été épargné par la colonisation, qu’elle soit britannique, hollandaise, allemande ou française.
Cependant, le poids de la colonisation a été effacé lors du vote du premier référendum le 28 septembre 1958 où les Kanaks, alors majoritaires, ont choisi, à 98%, de rester Français. Entre 2018 et 2021, les Calédoniens ont renouvelé par trois fois ce choix.
Et c’est en cela, Madame La présidente, que je me présente devant vous en tant que jeune femme kanak et française pour vous affirmer, que je ne me sens pas colonisée. Certes, l’histoire ne s’efface pas, on doit vivre avec, mais cela, ne doit pas nous empêcher d’avancer.
Certains disent que le peuple kanak est encore colonisé. Ces personnes-là vivent enfermées dans le passé.
Elles nient également la conclusion de l’audit de la décolonisation, mené par Madame Keisha MCGUIRE, qui affirme que la Nouvelle-Calédonie est aujourd’hui belle et bien décolonisée !
Je ne suis pas une victime, Madame la présidente, je ne suis pas une opprimée.
Ce n’est pas parce que je ne recherche pas la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, que je me sens moins kanak que mes frères et sœurs indépendantistes. Ils n’ont pas le monopole de la parole kanak.
D’ailleurs, l’un de leurs arguments est la perte des valeurs culturelles et coutumières kanak.
J’affirme ici que cette perte n’est pas liée à la colonisation mais à l’évolution constante du monde contemporain.
C’est d’abord à nous, kanak, de préserver notre culture, tout en faisant face aux enjeux du monde moderne.
Il est temps en Nouvelle-Calédonie, d’ouvrir nos espaces communs : nous devons aller au-delà de nos divergences politiques !
Nous devons nous retrouver autour des problématiques urgentes délaissés durant plusieurs décennies :
- Les violences conjugales et intrafamiliales en constante augmentation
- La totale perdition d’une partie de notre jeunesse
- La cherté de la vie
- Et bien évidemment, le changement climatique et ses conséquences.
Pour conclure, la Nouvelle-Calédonie remplit tous les critères objectifs de la décolonisation fixés par votre organisation et notre choix de rester français a été libre et démocratiquement consenti. Il est donc temps de retirer la Nouvelle-Calédonie de la liste des territoires à décoloniser.
Au-delà de cette question de la décolonisation, la Nouvelle-Calédonie est une terre riche. Riche de son héritage culturel, riche de sa faune et sa flore, et surtout, riche de ces hommes et de ces Femmes, fruits d’une société désormais métissé. C’est notre devoir de préserver ces richesses et ainsi, assurer pour les générations futures, un avenir en paix.
Merci Madame la Présidente, excellences, membre du comité C-24.
