Place de la Nouvelle-Calédonie dans le monde – Axe Indopacifique

Table ronde citoyenne n°3

Synthèse globale des échanges

Le monde a changé. La Nouvelle-Calédonie se retrouve désormais dans une région du monde au cœur des enjeux géostratégiques des prochaines décennies, au carrefour de nombreuses opportunités mais également de nombreuses menaces. A l’heure des réflexions sur son avenir, ce regard et ce recul sur le monde qui nous entoure était indispensable.

 

Pour la France, l’Indopacifique représente 1,6 millions de citoyens, 7000 militaires, 9 des onze millions de kilomètres carrés de la zone économique exclusive française. C’est dire son importance capitale, stratégique, pour notre pays. Comment la Nouvelle-Calédonie peut elle s’inscrire dans cette stratégie Française et Européenne, mais également tirer parti des opportunités émergentes pour rayonner dans son environnement régional? telles étaient les questions posées aux participants à la table ronde, réunis le 23 février 2022 au petit théâtre de Boulari, sur la commune du Mont-Dore.

 

La séance a débuté par une introduction à la situation géopolitique, grâce à l’intervention en visioconférence depuis Paris du général Patrick Destremau, ancien directeur de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, naturellement focalisée sur l’actualité récente de la guerre en Ukraine. Notre intervenant a ainsi tenté de poser des pistes de réflexions sur les questions suivantes:  Est-ce que le Pacifique sud est important pour la France ? Pour l’Europe ? Quelle place la Nouvelle-Calédonie joue dans ce pivot stratégique ?

Une chose est certaine: nous, Français, sommes aujourd’hui dans un moment de réalisation depuis les changements mondiaux opérés dans les années 2000, notamment dans nos relations internationales. Les négociations que nous devons mener avec nos partenaires, comme toujours dans les relations internationales, se basent sur un rapport de force, mais qui doit aujourd’hui absolument intégrer la culture et l’histoire du besoin de reconnaissance et d’affirmation de l’autre. Et force est de reconnaitre que nous n’avons pas toujours été attentifs aux états de l’arc mélanésien.

 

Notre second intervenant a été Randy Yaloz, président de Republican Overseas, c’est à dire le représentant du parti des Républicains américains à l’étranger. Nous avons demandé à notre intervenant son point de vue de la droite américaine sur la présence française dans l’indopacifique et la place en particulier de la Nouvelle-Calédonie. Sa réponse est marquée par la rivalité stratégique Chine/Etats-Unis dans la zone et plus largement dans une compétition mondiale, dans laquelle la France et donc la Nouvelle-Calédonie sont partie prenante, tout comme les états insulaires du pacifique. Pour Randy Yaloz, c’est l’approche globaliste de la Chine lui a permis d’acquérir cette place proche de la première économie mondiale, et nous comme collectivement coupable d’erreurs stratégiques qui lui ont permis d’accéder à cette position. Nous sommes devenus, en quelques années, dépendants de la Chine en deux décennies, en laissant se délocaliser tous les secteurs clés de notre souveraineté.

Pour les Républicains américains, il faut aujourd’hui absolument que la France, via ses territoires du pacifique, renforce sa présence militaire, en Nouvelle-Calédonie notamment, et renforce ses alliances régionale avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon; mais également qu’elle retrouve sa souveraineté dans un certain nombre de domaine, qu’elle réindustrialise, qu’elle contrôle mieux les investissements étrangers.

 

Les participants ont ensuite réagi, et réfléchi ensemble autour de deux ateliers: La Nouvelle-Calédonie comme porte-avion de la France et de l’Europe dans le pacifique, et le rayonnement de la Nouvelle-Calédonie dans le monde et son environnement régional.

Introduction aux problématiques de la table ronde

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La Nouvelle-Calédonie comme porte-avion de la France et de l’Europe dans le Pacifique

Les participants ont commencé par quelques réactions aux propos de nos intervenants, notamment en remarquant, en écho aux propos de Randy Yaloz, que les Etats-Unis d’Amérique n’avaient pas non plus toujours été exemplaires en la matière lorsqu’il s’était agi de respecter l’indépendance et la souveraineté de leurs alliés, notamment la France. Et d’ailleurs certains n’hésitent pas à noter une certaine perte de confiance des partenaires de la région vis-à-vis du partenaire américain et de son approche hégémonique, voire des doutes comme ceux qui ont pu émailler les débats en Australie quand au partenariat stratégique avec les américains il y a plusieurs années – depuis dépassé. L’assistance semble partager le fait qu’il faut trouver un équilibre entre les partenaires régionaux, dont la Chine, en étant conscient des opportunités comme des risques.

Concrètement, les membres de la table ronde partagent le souhait d’une présence militaire renforcée de la France dans la zone, notamment les moyens maritimes et la coopération accrue avec les partenaires Australiens et Américains. Ils vont meme jusqu’a souhaiter que la Nouvelle-Calédonie puisse etre la « tete de pont » de la diplomatie française et européenne dans la zone, avec pourquoi pas la présence d’un ambassadeur dédié sur le territoire, ou des compétences accrues au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour coconstruire les stratégies diplomatiques régionales avec l’Etat, alors que la France en a souvent cruellement manqué. La table ronde émet aussi le souhait de rapatrier le commandement des forces navales en NC, signe politique et stratégique fort du réinvestissement de l’Etat en Nouvelle-Calédonie et reconnaissance de sa porte stratégique.

Les participants concluent sur le fait que la Nouvelle-Calédonie est trop souvent perçue par l’Etat et la population métropolitaine comme un poste de dépense et que ses atouts pour la France et l’Europe sont insuffisamment expliqués et exploités au bénéfices de tous.

Recommandations formulées par les participants

Travailler avec différents partenaires (Chine, USA, EU, …) en étant conscient des risques et des opportunités liées à chacun.
Mettre en place d'une véritable stratégie locale d'intelligence économique et stratégique pour éclairer les politiques publiques.
Renforcer les capacités militaires avec notamment le positionnement du commandement des forces navales en NC (actuellement en PF).
Attribuer ou répartir des compétences diplomatiques aux autorités françaises de la région (NC, PF et WF).
Positionner un ambassadeur de France pour la région Indopacifique à Nouméa.
Mieux communiquer, connaitre et faire connaitre les atouts de la Nouvelle-Calédonie pour la France et l'Europe.

La Nouvelle-Calédonie dans le monde et son environnement régional : rayonnement multi- domaines

Quels atouts pour faire rayonner la Nouvelle-Calédonie dans son environnement régional, voire – ayant un peu d’ambition – dans le monde, à sa juste place ? Telle est la question à laquelle se sont attelés les participants à la table ronde, ayant à l’esprit que le territoire regorge d’atouts, certains exploités, d’autres qui pourraient etre mieux valorisés, d’autres encore inexploités, voire inconnus.

 

C’est bien là une des remarques liminaires ayant éclot: pour valoriser, il faut connaitre ce qu’il y a à valoriser, et donc faire reculer les limites de l’ignorance. Aucun obscurantisme ne peut justifier, par crainte de dommages que pourraient causer la crainte de l’exploitation non maitrisée d’une ressource, ne peut justifier ce frein à la connaissance, qui sert à préserver au moins autant qu’à valoriser. Nos savoirs scientifiques sur notre environnement naturel, humain, économique, doivent etre encouragées et développées, dans une optique également de coopération régionale.  Nos ressources naturelles doivent etre évaluées et faire l’objet de recherche de débouchés économiques après l’étude scientifique, en encourageant la création de startups prêtes à s’exporter. A titre d’exemple, les participants ont noté les craintes de rupture de la France et de l’Europe en approvisionnement de métaux stratégiques, dont…le nickel, le chrome et le cobalt, tous trois présents en Nouvelle-Calédonie, et composants essentiels pour les prochaines années de la fabrication de véhicules électriques. Nous pouvons rayonner grâce à notre recherche.

 

Mais pour rayonner, il faut exister dans « l’ailleurs »: aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie est représentée par des délégués dans un certains nombre de proches états voisins: Fiji, Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Vanuatu. Cette présence doit etre développée et renforcer pour service une véritable diplomatie économique, en s’appuyant également sur l’intégration et les ressources des ambassades françaises de la zone.

Se faire connaitre, c’est aussi répondre à des appels à projet, nationaux et européens, voire internationaux, qui vont réaliser le potentiel dynamique de la Nouvelle-Calédonie, et le faire savoir. Il faut organiser la veille sur ces appels à projets, sur les appels d’offres auxquels pourraient répondre nos entreprises, influer sur les normes adoptées par nos voisins….

Mais pour etre attractif, encore faut-il que l’extérieur puisse également venir à nous. Nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion sur le modèle aérien, sur le développement de l’aéroport de La Tontouta pour en faire un véritable « Hub » régional, avec une politique tarifaire incitative pour encourager investisseurs, et touristes. Sur ce dernier point des décisions doivent aussi etre prises, avec deux secteurs mentionnés: le tourisme de luxe, et le tourisme « vert », l’un n’étant pas incompatible avec l’autre, mais nécessitant pour une part une montée en qualité des prestations offertes. Les participants notent que la culture et l’artisanat sont des atouts insuffisamment exploités dans l’offre touristique et dans l’accueil.

 

Dans le domaine de la santé, nos infrastructures excellentes pourraient constituer un excellent facteur d’attractivité, à condition de résoudre nos faiblesses structurelles: compétences en ressources humaines, financement et intérêt professionnel. De nombreux pays voisins sont intéressés par le niveau de notre médecine et son accessibilité, d’autant plus si nous savons demain y inclure la nécessaire différenciation d’approche en fonction des cultures: des initiatives privées existent avec le Vanuatu et Fiji, qu’il faut continuer à encourager et développer, tout comme l’essort de la télémédecine pour les endroits isolés.

 

Globalement les idées ne manquent pas. Il faut consolider une vision complète des territoires français du Pacifique, chacun pouvant compléter l’autre, en développant les relations bilatérales puis multilatérales avec la Polynésie Française et Wallis&Futuna.

Enfin, il est essentiel que les populations locales soient entendues quant à leur relations avec leurs voisins. La stratégie française et européenne dans l’Indopacifique ne peut plus se concevoir seule à 18.000 km du territoire dans des bureaux parisiens ou Bruxellois. Il est essentiel de commencer à coconstruire ces stratégies en reconnaissant l’apport essentiels que les populations locales et leurs représentants locaux peuvent apporter à la diplomatie avec leur connaissance profonde de la diversité des populations et des cultures du pacifique.

Recommandations formulées par les participants

Utiliser la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris comme relais de communication et d'influence accru en métropole.
Identifier les marchés émergents en France et en Europe pour nos matières premières et cibler les exportations valorisantes.
Encourager les grands groupes français présents dans la zone à opérer depuis et avec le soutien de la Nouvelle-Calédonie.
Développer le rôle de relais et conseil économique des délégués de la Nouvelle-Calédonie dans la zone et partager les informations avec les acteurs privés calédoniens
Repositionner l'aéroport de la Tontouta en ``hub`` aérien pour les lignes aériennes domestiques et internationales de la zone.
Repenser le modèle touristique et intégrant mieux la culture et l'artisanat local ainsi que le tourisme ``vert``.
Penser à long terme les stratégies de développement économique et sociétal en s'appuyant sur les compétences psychosociales des populations locales, comme modèle pour nos pays voisins.
Développer la coopération régionale en terme de recherche, avec un copilotage efficient
Continuer et développer l'acquisition de connaissances scientifiques sur notre environnement naturel, culturel et sociétal
Développer la coopération médicale avec les pays de la zone en encourageant les initiatives publiques et privées.
Renforcer les relations et les interactions avec les territoires français de la zone et développer des initiatives communes
Continuer à développer et promouvoir la francophonie dans la région
Rénover et approfondir les relations de la Nouvelle-Calédonie avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Participer aux réflexions et coconstruire avec l'Etat sa stratégie en Indopacifique

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Thierry SANTA

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